Tirée d’une histoire vraie, cette chronique met en scène des personnages réels, en des lieux authentiques.
Les noms des personnes, qui y jouent leur propre rôle, ont été modifiés, à la demande de l’auteur, dans le strict respect de la vie privée, conformément à l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, à l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et militaires de 1976 et à la Charte du forum de l’Aulne-Photo Club de 2019. La consonance germanique de ces pseudonymes relève d’une volonté ambiguë de l’auteur. Ces personnes seront appelées Ullrich ou Lothar, et toute similarité avec les noms réels ne serait que pur machiavélisme de l’auteur.
Les noms des lieux, où se sont déroulés les faits, ont été modifiés, à la demande de l’auteur, dans le strict respect de la vie privée, conformément à l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950, à l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et militaires de 1976 et à la Charte du forum de l’Aulne-Photo Club de 2019. La consonance bolchevique de ces noms relève d’une volonté douteuse de l’auteur. Ces lieux seront appelés Lennongrad et Saint Segalbourg, mais comme ils n’apparaissent pas dans le texte, ceci ne revêt aucune importance.
Fin de la réunion « critique de photos » du 27 septembre 2019 , 23h52, quelque part au fin fond du Rouzig …
Ces évènements sont rapportés en temps réel.
La séance-analyse se termine. Le silence se fait. La pluie pleuvote paresseusement sur les carreaux, comme si son tapotement insistant pouvait combler le silence oppressant. La lumière blafarde des lampadaires tente un reflet diaphane comme si sa lueur froide pouvait éloigner l’obscurité persistante. Une chouette hulule plaintivement comme si son chant mélancolique pouvait se substituer à la cacophonie des palabres. Et soudain, la lumière éclabousse la salle, brutale, crue, âpre, révélant, chez les participants, un état de lassitude avancée, significative, critique. Les traits sont tirés et les vessies sont tendues. Ils ont longtemps échangé. Alterné critiques venimeuses et louanges flatteuses. Balancé entre illusions perdues et certitudes avortées. Ils restent interdits, ébaubis, surpris. Ils ne se lèvent pas. Non, non, pas fous. Ils attendent qu’un inconscient le fasse, car rompre l’anonymat, c’est s’exposer à une demande cauteleuse, à une question sournoise, à une allusion perfide. Il faut partir. Mais le webmaster, le maitre du débat, ne semble pas disposer à quitter les lieux. Il regarde l’assemblée de ses petits yeux sournois, avec aux lèvres ce petit sourire narquois du carnassier insensible contemplant sa proie résignée. Il marque un temps d’arrêt, et d’un ton cassant, lâche « Bon, maintenant, il va falloir choisir la photo du mois …… »
L’assistance, dans son ensemble, est saisie. Elle se bloque. Elle se fige. Elle se statufie. Elle a compris. Ce n’est pas fini…… Elle présume, elle sent, elle sait que l’espoir de rentrer tôt vient de s’envoler. Le webmeister réitère sa sommation ………
– Bon, maintenant, il va falloir choisir la photo du mois …… Alors ? Attention, on est bien d’accord, ce n’est pas à moi de décider, c’est vous qui votez. Trois photos par personne, douze participants, trente-six photos, une photo doit être désignée photo du mois.
– Ben écoute, Ullrich*, le plus simple, tu choisis. C’est toi qui fait le site, et très bien d’ailleurs. Ah oui, c’est très bien. Alors, on te fait confiance, tu choisis la photo, et tu la mets sur le site …
– Ah non, c’est à vous de choisir. On avait prévu comme ça. On a voté la dernière fois. Dépêchez-vous quoi, on va pas y passer la nuit. Salut Peter*, et bon retour …
– Bon, ben Ullrich*, c’est simple, c’est celle de Gertrud*. Oui, la troisième, celle avec le bateau et l’église au fond …
– La mienne ? Laquelle ? La 3, non la 2. Oui celle-là. Mais c’est pas une église, Hildegarde*, c’est un phare. On voit bien l’ampoule, et pis la mer……
– Au temps pour moi, Gertrud*, c’est le reflet.
– Bon, d’accord avec Hildegarde* alors ? Vous êtes d’accord ? La 2. C’est bien la tienne Gertrud* ? Okay. Tu fais un petit texte explicatif pour mettre avec, et tu me l’adresses demain.
– Désolé, Ullrich*, mais faire le texte, j’peux pas …
– Attend, faire le texte, tu peux pas ? Attend, ça demande pas la journée. Tu donnes les exifs, tu expliques pourquoi t’as fait cette photo et tu commentes le résultat par rapport à ton idée de départ. Simple. T’en a pour 5 minutes maxi…… Je le dis, faut s’investir pour le club.
– Si j’te dis, j’peux pas, c’est que j’peux pas. J’pars en voyage demain …
– Tu pars en voyage demain ? Bon, ben tu me l’amènes ce soir alors, ou avant de partir, demain matin …
– Ah non, c’est trop tard ce soir, et j’ai des haricots à équeuter…
– T’as qu’à bouffer des haricots en boite ! Attend, je rigole. Mais demain t’auras bien 5 minutes…
– Ben non , demain j’ai les bagages à faire, et le chat à déposer chez ma sœur, et faire vérifier la pression des pneus de la Twingo chez Leclerc Auto …
– Parce que tu pars en voyage en Twingo ? Attend, je rigole. Mais t’as pas trois tonnes de bagage à préparer. Et pis faut quand même penser au club. J’en ai marre de tout faire tout seul. Bon, si tu peux pas, tu peux pas … J’peux comprendre.
– Tu m’aurais dit ça avant …
– Mais je l’ai dit et répété. Tu lis pas tes mails ou quoi ? Est ce qu’on peut prendre une autre photo alors. Qui a une idée ? Tu dis, Rudolf* …
– Je propose la photo de Lothar*. Celle avec les cinq canards en contre jour. Oui, mais seulement si tout le monde est d’accord …
– Effectivement, moi, ça me va… mais attend, tu dis, Heidi*…
– Ben moi, j’trouve qu’on pourrait peut-être garder celle de Gertrud* et demander à Andréas* de faire un texte dessus. Il a l’habitude et pis c’est rigolo …
– Attend Heidi*, c’est pas ce qui est prévu. Et pis Andréas* est peut-être pas d’accord. Et pis Andréas* a peut-être autre chose à foutre, il s’investit déjà dans le Forum …
– Ben, j’veux bien faire un pt’it texte …
– Ben, c’est gentil Andréas*, mais là, tu vois, c’est plus ce qui était prévu. J’ai dit « on choisit, tous ensemble, une photo et l’auteur de la photo propose son texte », ou alors, on met une de tes photos …
– J’en n’ai pas …
– T’as pas amené de photos ? Ah, bon. Ben tant pis. Et pourquoi t’as pas amené de photo ?
– Ben, en fait, c’était prévu, mais, elles n’étaient pas dans le thème en fait, et j’en avais que une, en fait, et du coup je l’ai pas prise. En fait.
– C’est vrai, on n’est pas obligé d’amener des photos, mais, tu comprends, si chacun ne se bouge pas la c**, ça va être encore pour ma gueule. Qu’est-ce tu dis Gottfried …
– Ben, on n’a qu’à garder celle de Gertrud*, alors, puisque c’est celle-là qui a été choisie au départ, et puis on verra après pour le texte …
– Ben oui, Ullrich*, celle de Gertrud*, mais sans texte. Ou alors, s’il te faut un texte avec une photo, Andréas* fera un texte, qu’on mettra sur n’importe quelle photo, ou que tu pourras faire toi-même puisque tu as les exifs et tout …
– Ben oui, il me faut une photo et un texte, et je vous vois venir, c’est moi qui vais devoir choisir la photo, transmettre les exifs à Andréas*, les mettre en ligne, et ben grosso merdo, j’en ai pour l’après-midi. Qu’est-ce tu dis Andréas* ?
– C’est « L’après-midi d’un fauve » … mais mal armé …
– Arrête de me faire ch…. avec tes conneries. Tu comprends, je vous vois venir les « Yakafokon ». Mais moi aussi j’ai une vie privée, une famille à nourrir, des enfants à élever, une épouse à cajoler, un chien à vacciner. Et puis le club appartient à chaque membre. Il ne faut pas dire « Je fais ça parce que y a personne pour le faire … ». Il faut s’investir. Faire un petit texte sur une de ses photos, une fois par mois, c’est pas la mer à boire.
– Je m’occupe déjà du Forum, alors je …
– Je sais bien ça Andréas*, je sais bien, mais y a des moments où il faut savoir juste se sortir les doigts du c**, et s’investir pour le club. T’es quand même capable de faire en un mois trois photos sur un thème, non ? ……. Oui, Konrad* ?
– Ben y a qu’à mettre n’importe quelle photo, sans texte, ou alors avec juste le nom, à côté, comme une étiquette …
– Tant qu’à faire, on n’a qu’à mettre notre nom sur nos photos, sur toutes nos photos, et pis on prend une … d’Andréas* ou n’importe …
– Ben, le problème, c’est que moi je ne signe jamais mes photos, c’est une question d’éthiq….
– Tu fais ce que tu veux Andréas*, je m’en fous, mais moi j’arrive pas avec FastStone, et j’ai pas pu aller à la séance informatique sur FastStone, j’étais fatiguée, je revenais de voyage …
– Mais, Gertrud*, t’es toujours en voyage ou quoi ? Non, je rigole. Mais là, ça va plus, je fatigue …
– On m’a dit que pour mettre le nom, j’avais qu’à demander à Ullrich*, il te dira comment faire qu’on m’a dit, alors moi je demande … Faut pas te fâcher.
– Je me fâche pas, mais c’est pas le sujet, et c’est pas le moment, et c’est pas l’endroit. J’ai répété, que je ne peux pas être partout, et que ce qui est fait ne sera pas recommencé, c’est tout. Je me casse le c** à faire des séances « informatique », c’est pour qu’on vienne me faire …
– T’énerve pas, tu vois, le mieux, ça serait de préparer chez soi et que, à la séance, chacun branche son ordinateur sur le rétroprojecteur …
– Attends Ludwig*, tu me gonfles là. Attends, ça va pas aider Gertrud* à mettre son nom sur sa photo …
– Non, mais on pourrait le faire à sa place, à la séance, si chacun branche son ordinateur sur le rétroprojecteur. On prend la main quoi …
– Mais y en a pour la nuit … Tu veux rester jusqu’à deux heures du matin ? C’est bon quoi … D’abord, tu viens à une séance sur trois, alors, hein …
– T’énerves pas Ullrich*, Ludwig* propose un truc pas con et tu l’envoies …
– Ta gueule Katarina* ! Excuse-moi, excuse-moi, mais s’il te plait, sois gentille … Bon, Markus*, tu … et on finit …
– Ben chacun pourrait, à l’avance, choisir ses trois photos qu’il présenterait, avec les trois photos non retouchées, chacune en conformité avec les trois thèmes définis tous les trois mois, et en branchant chaque clé USB sur l’ordinateur branché sur le rétroprojecteur, on pourrait facilement choisir la photo et mettre un texte que chacun aura préparé sur un petit bout de papier ou dans un dossier dans la clé à côté des photos …
– M’agresse-pas. Dis plus rien ! Tais-toi ! Ferme la ! Boucle-la ! Ne l’ouvre plus, Markus*, ne l’ouvre plus, s’il te plait … S’il te plait …
– Le problème, aussi, si tu veux, c’est que tout le monde n’amène pas son ordinateur aux séances, alors on va perdre du temps, s’il faut …
– Non pas toi, Friederich*. C’est bon. On abandonne. On laisse tomber. On oublie. C’était une idée à la con. A la con … Je choisirais. Tout seul. Tranquille. A la maison. J’ai soif. Fait chaud ou quoi ?
– Fait gaffe t’es tout congestionné, tu f’rais pas un coup de tension, toi, ou une poussée de fièvre …
– Arrête Andréas* ! Ben non tu vois, ça me fait pas rigoler. La fièvre tu crois ?………
–
Le visage sombre, chacun des participants se lève discrètement, range sa table furtivement, sa chaise sobrement et prudemment mais prestement, s’évacue hors de la salle. L’un murmure pudiquement, résumant sobrement la discussion : « Ce qui fout tout par terre, il faut le foutre en l’air ».
L'auteur : André NIHOUARN | ||||||||
Notre "doc" manie la langue française comme personne. Adepte des Tontons Flingueurs et des Bronzés, il nous taille des costards sur mesure sans aucune méchanceté et avec humour. A lire sans modération. |