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Le Seigneur des Cadeaux

L’équipement du photographe : des idées de cadeaux.

 

– Eric, mon ami, voici venu Noël, le premier de l’an, le sapin, le gui et l’époque des cadeaux. Mon entourage va se sentir obligé de me demander ce qui me ferait plaisir en tant que photographe amateur. Pourrais-tu me consacrer quelques minutes pour me conseiller, et en faire profiter mes amis de l’APC..

– Tu sais André … tu permets que je t’appelle André.

– Je ne permets pas, je préconise.

– Et bien mon cher André, le cadeau pour le néo-photographe que tu es, il faut le chercher dans l’équipement. L’équipement, c’est la tenue de croisade du photographe. A l’instar du Croisé partant pour Constantinople, tu ne pars pas à Mardoul ou sur le marché de Daoulas en espadrilles et bermuda. Moi, j’ai des références. J’ai baroudé. J’ai vécu. Alors je préviens. Parce que je les ai vu moi, les traine-savates prendre des giboulées sur la tronche, et s’indigner de la buée sur le miroir, sans parler des traine-lattes, coutumiers du changement d’objectif, pleurnicher sur les patouilles parsemant leurs clichés, et je te cause pas des traine-patins, les trembleurs chevrotants, s’étonner du flou de bougé pour des expositions de dix secondes…. – Tu t’énerves, tu t’échauffes les sangs, tu m’inquiètes.

– Ne n’interrompt pas tout le temps, sinon on en a jusqu’à la nuit. Tu comprends, si je fais des exposés, c’est pour que tu ne viennes pas demain, à Mardoul ou au fin fond du Sahara avec cette lueur de désespérance dans les yeux « j’savais pas, on m’a pas prévenu, on m’a rien dit ». Profite de la période festive pour peaufiner ton équipement, avec discernement. Évite la quincaille autant que le somptuaire. En effet, dans l’équipement, en photo comme ailleurs, il y a les fondamentaux et il y a les choix personnels.

– Comme au patinage artistique, il y a les figures imposées et les figures libres…

– Pertinente ta remarque, André. Tu as l’âme simple mais attentive. Je vais être direct. Le photographe c’est, je te le redis, le Croisé des temps modernes. Ce gars-là, le moine-guerrier, avait reliquaire, bâton liturgique et étole. Le photographe, lui c’est sac à dos, trépied et matériel de nettoyage. C’est la triade vitale. Y a pas de contestation possible. C’est l’uniforme obligatoire pour tout néo-photographe en sortie sur site, milieu rural ou citadin, temps sec ou pluie diluvienne, lumières du jour ou voiles de la nuit, froid boréal ou canicule saharienne. La coquetterie, je ne suis pas contre, mais pour shooter en pays hostile, il faut être rigoureux. On ne gagne pas une guerre avec le pantalon garance et les gants blancs, et je te parle pas des casques à crinière et des shakos de la cavalerie. Faut tenir compte des enseignements de l’histoire. Je dis pas cela dans un esprit de querelle, je pourrais être conciliant sur des tas de choses, mais néophyte manchot ou aventureux paranoïaque, sans le triptyque « sac à dostrépied-matériel d’entretien », la randonnée photo peut virer au cauchemar, à l’apocalypse, pour tout dire, à l’échec photographique et à la cueillette de champignons. Ça s’est vu. Alors deux critères doivent guider ton choix : tes prétentions financières et tes capacités physiques. Ou l’inverse, tes capacités financières ou tes prétentions physiques. Sans sombrer dans la résignation sénile ou la clochardisation pécuniaire, passé la soixantaine et même sans un train de vie Rothschildien, on doit avoir l’ambition de se tourner vers la sobriété exigeante. Que le trépied soit solide et stable, le sac confortable et spacieux, et que le kit de nettoyage ne relève de la fanfreluche ancillaire.

– De la fanfreluche ancillaire …

– Oui, du chiffon de bonniche, si tu préfères.

– Je comprends. Ben, c’est simple, il suffit d’aller sur le Net et on fait son choix ….

– Il suffit…. Mon pauvre André, tu fais preuve d’un raisonnement quasi-Néandertalien. Parce que sur le Net, tu crois choisir, toi le néo-acheteur, toi le néo-photographe crédule. Au premier clic, tu es submergé par le déferlement de crapuleries chinetoques, de vilenies taiwanaises, de canailleries coréennes. Tout est meilleur marché, en offre promotionnelle, en « pour cent », en affaire du mois, en idées cadeau, en solde personnalisé, avec des formes aguichantes et des coloris attrayants qui vont pervertir le goût et subjuguer la clientèle novice. Du trépied en alu qui fusionne cric hydraulique et pied à sérum au sac à dos qui combine lombostat à baleines et sac à vomi, tu trouves tout l’assortiment du parfait piège à cons. Toute la filouterie boutiquière, la friponnerie mercantile, la félonie commerciale. Ne cède pas à ce déballage démoniaque. Ecoute-moi. Question trépied, j’ai un faible pour le carbone Mountaineer GT Angel Devil Ghost Pro 6380D 8 sections avec rotule ball pendulaire magnésium GH3382QDX654. Onéreux certes, mais le carbone est plus résistant, et la résistance a un prix. C’est comme pour les vélos, si t’es monté shimano ou pas. Deuxième volet du trio de base, le sac à dos. Il est possible d’être exigeant sans exiger l’impossible. Je conseille le sac médium, à mi-chemin entre le havresac du fantassin de 14, logeant la gamelle, la tente avec les piquets et la marmite de campement, et le sac scout, plus petit avec la boussole, le couteau et le carnet de chansons pour veillées au bivouac. Je pencherai pour le Sherpa Off Road AX350DF457660HP Walker Runner Trekker Rider Traveller Pro, option Accelerator, en gris souris, moins salissant. Troisième élément du triptyque de base, le matériel de nettoyage. Ce matériel doit servir à nettoyer, alors je verrais bien le chiffon antistatique OpticLight de chez Hermès. Ce modèle mix polyester-nylon antistatique, à structure fibreuse, à nettoyage non pelucheux, à fort pouvoir lustrant et grande capacité d’absorption est celui que je conseille. Avec la lingette ObjoClean de chez Dior, bien sur. Un classique. Surtout, bannis les bombes à air et autres bombes aérosols, ça prend de la place et ç’est des produits inefficaces, sauf pour la termite et la mérule, rares dans les réflex, même les Canon bas de gamme. Sans compter le risque d’explosion à la chaleur, ça s’est vu. Je crois, mon cher André, que tu peux annoncer la couleur pour les fêtes. – Ben Eric, tes connaissances me subjuguent, ton érudition me désarçonne, ton analyse me fascine. Et je ne fais pas dans la flatterie mensongère, tu me connais.

– C’est vrai André, enseigner la photographie nécessite une connaissance picturale légendaire, une culture livresque hors du commun et un savoir-faire narratif encyclopédique. « Ne pas reconnaître son talent, c’est favoriser la réussite des médiocres » disait Audiard. Je ne peux pas lui donner tort.

– Et je me félicite de ta présence en ce club, car nous les néophytes, les béotiens, les profanes, on se laisserait facilement embarquer dans l’acquisition hasardeuse d’équipements coûteux, oiseux voire inutiles.

– Il y a peu, j’envisageais l’acquisition d’un filtre …

– Stop, malheureux. Je t’arrête, tu pourrais me fâcher. Tu protégerais un objectif qui vaut 50 euros avec un filtre qui en vaut 20. C’est tremper des gaufrettes dans du Pétrus 1947. Pareil. T’oublies ce genre d’achat, comme le module GPS ou le grip d’alimentation vertical. Tu vois, à propos des sacs, j’ai le vertex 300. Oui monsieur. La bête de concours. La référence en matière de sac photo. Et ben je ne te le conseille pas. C’est un bon produit, je ne le conteste pas, et qui pose le bonhomme quand t’arrives sur un rendez-vous de shooting genre meeting aérien ou régates en mer d’Iroise. Mais toi que l’arthrose taquine, avec son cortège de patraquerie, de balourdise et de maladresse, tu n’en aurais pas l’usage. Faut en être conscient. Et c’est là le deuxième volet du choix, le physique. Le produit n’est pas le même suivant que l’on galope dans le printemps ou que l’on trainaille dans l’automne, que l’on fréquente les comptoirs des bistrots plutôt que ceux des pharmacies.

– Remarque, les deux exercices ne sont pas incompatibles. Ils seraient même complémentaires. Moi-même …

– André, tu es fatigant. Je prépare un topo plus ficelé qu’une momie égyptienne et tu m’interromps sans arrêt. J’en reviens au physique. La médecine a fait d’énormes progrès. La peste est vaincue et la blennorragie n’attaque que les imprudents, les myopes ou les étourdis, cependant il faut savoir raison garder. A partir d’un certain âge, on ne se lance pas dans le safari photo exotique chargé comme un mulet. Certes, il faut lui garder une dose d’imprévu au sénescent photographe. Par exemple deux heures autour d’un petit ruisseau comme à Mardoul, ou l’ascension du Mont Saint Michel de Brasparts par temps clair peuvent l’amener à se prendre pour Rudyard Kipling ou Edmund Hillary. Mais attention, il lui faut le paquetage adéquat. Ni trop lourd, ni trop sommaire. Du fait sur mesure, fragilité des lombaires oblige. Je pencherais pour un petit sac muni de roulettes amovibles, façon caddie, avec un trépied alu transformable canne anglaise, et un petit chiffon pour les lunettes, de chez Afflelou. On a le matériel indispensable, et en peu de volume. Parfait pour les seniors exigeants.

– C’est réfléchi tout cela. Mais tu omets de parler du boitier et des objectifs, ce qui est quand même essentiel dans la pratique de la photographie.

– André, le privilège du néophyte en photo, c’est de s’asseoir sur les conseils en toute impunité. Insensibles à toute suggestion judicieuse, c’est des virtuoses de l’individualisme opiniâtre. Le gars, il veut amener tout son barda. Il a acheté, faut amortir le bazar. Et puis faut justifier ses dépenses chez Miss Numérique auprès de sa tendre épouse, un peu agacée par le caractère abyssal de la note chez cette Miss Machin. Je crois que ces sites ont remplacé les bobinards fermés par Marthe Richard. On y prend son pied, mais on y laisse ses économies. Donc reprenons notre néo-photographe dans sa variété chenue, la tienne André, à savoir le néo-baroudeur calvitié préparant son trail. Il emporte son trépied de table, son monopode adventure, son petit compact, ses deux boitiers Réflex, son télé Canon EF 800, son macro Tamron, son Sigma 18-200, son Yongnuo 50 focale fixe, son viseur d’angle, sa télécommande étanche, son multiplicateur de focale, son œilleton correcteur-dioptries, avec un ou deux filtres cachés sous la boite de Doliprane et la pince à tiques. Et son pilulier étanche avec alarme, sa paire de jumelles à vision nocturne, son parapluie anti-bourrasques, ses semelles à crampons anti-verglas, sa paire de gants tactiles, son coupe ongle avec loupe, son paquet de bonbons « La pie qui chante », sa boussole « Le fantassin », son rasoir rechargeable double-têtes, son étui à lunettes en écaille de tortue, son plaid polaire « Iceberg », sa lampe frontale « Spéléo », sa thermos de thé « Thermoflasche », et sa chapka imitation astrakan. Sans oublier le vaccin antitétanique. On ne sait jamais, une morsure de ragondin est si vite arrivée, ou une fiente de mouette sur la cicatrice de cornée. Il va ronchonner parce qu’il n’arrivera pas à tout fourrer dans le sac. Il va m’accuser de l’avoir mal conseillé, dire qu’il fallait prendre plus spacieux le sac, que c’est un achat raté, que je dilapide sa petite retraite, que son autorisation à découvert va sauter. Je connais les pleurnicheries séniles. Tu parles, plus grand, avec tout ce qu’il veut fourrer dedans, il aurait pas pu soulever son sac, ce con. Tu vois, on en arriverait facilement aux gros mots …. ou je pourrais me lasser.

– Tu m’interpelles. Tu n’envisagerais quand même pas la démission, l’abdication, la fuite à l’étranger, ou aux îles comme Napoléon ou Jacques Brel …

– André, mon garçon, tu donnes dans la fiction conspiratrice. J’ai été assez longtemps dans la marine pour ne pas avoir une certaine expérience des coups de vents et des chants de sirènes.

– Excuse-moi Eric, car c’est vrai, au club, tu livres un combat épique avec certains d’entre nous, le ventre mou du club. Je me reconnais un peu dans la description du néophyte borné, quoique le trait soit un peu forcé. Mais tu sais nous recadrer quand il le faut. Avec l’affectation et l’onction du pédagogue talentueux et complaisant. Mousse et pampre.
Ah, une dernière chose, Eric, je voulais te dire que je traite mes raw avec Faststone sous Linux. Et ben ça marche. Le résultat est excellent, surtout les couleurs et le contraste, et le bruit aussi. Oui Linux, avec Wine que Dom’ m’a convaincu d’installer. Il est de bon conseil aussi le président. Lui, il agit plus dans le feutré, dans l’explication paisible, avec cette distinction et ce tact propre aux professionnels de l’interrogatoire psychologique. Bock de Kro et jambon-beurre. Lampe de bureau et volutes de Gitane. A l’ancienne quoi. Oui, oui, tu as bien entendu, je traite mes raw avec Faststone sous Linux.
Pourquoi t’es tout congestionné Eric ? Tu nous ferais pas un petit peu de tension par hasard ? Faudrait consulter, Eric…. En tout cas, on te remercie, moi et mes amis de l’APC. Le Père Noël peut prendre les commandes.

Bloavez new year an alle.

André

L'auteur : André NIHOUARN
Notre "doc" manie la langue française comme personne. Adepte des Tontons Flingueurs et des Bronzés, il nous taille des costards sur mesure sans aucune méchanceté et avec humour.
A lire sans modération.
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